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Idéologie des jeux vidéo 1/2

Les jeux vidéo, en tant que médias, sont porteurs de messages, de manière parfois explicite et évidente et toujours de manière implicite. Ils sont donc porteur d’une certaine vision du monde, c’est-à-dire d’un ensemble d’idées et de valeurs qui n’ont pour les auteurs pas besoin d’être explicitées car elles sont considérées comme la norme. C’est ce que j’appellerai ici l’idéologie.

Idéologie des jeux dominants

Parler de l’idéologie des jeux vidéo peut avoir à première vue autant de sens que de parler de l’idéologie des livres ou de l’idéologie des films, c’est-à-dire aucun sens. On trouve en effet dans les jeux vidéo à peu près toutes les idéologies qui existent. Je m’attacherais donc ici à décrire les idées véhiculées par les productions vidéoludiques dominantes, au sens des jeux bénéficiant de la plus large diffusion et de la plus grande exposition médiatique et commerciale.

Un monde militarisé et violent

La guerre a toujours été présente dans les œuvres culturelles, des récits aux films en passant par les tableaux ou les chansons, mais les jeux militaires occupent une place particulière dans la production de jeux vidéo : ils font partie des jeux qui bénéficient des plus gros budgets de production et des plus gros budgets de promotion, et sont surreprésentés dans les classements des meilleures ventes.

Les principales idées véhiculées par ces jeux sont que la guerre est un état de fait normal, mais aussi que les conflits se résolvent par la force, même quand il s’agit de conflit contre des rebelles (« des terroristes » s’il s’agit de méchants). Cette idéologie accompagne parfaitement la théorie des États-Unis de la « guerre contre le terrorisme » et du choc des civilisations qui l’inspire, en particulier de depuis le 11 septembre1. On constate l’augmentation des thématiques centrées sur les opérations spéciales agissant au mépris de tout droit international et souvent même des droits de l’homme (légitimé par le caractère juste de la cause). L’assassinat d’un leader des forces adverses est un objectif de mission fréquent.

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Quel droit d’auteur pour le jeu vidéo ?

Derrière la question du statut juridique du jeu vidéo se pose principalement la question de sa relation avec le droit d’auteur et les questions de « propriété intellectuelle ». Ces questions sont rapidement très techniques. L’objectif de cet article est de se détacher des problématiques techniques pour en dégager les questions et les choix politiques sous-jacents.

Le droit d’auteur régie pour une œuvre les relations entre d’une part l’auteur et l’exploitant (dans le cas du jeu vidéo : le studio puis l’éditeur) et d’autre part entre l’exploitant et le public. Cet article ne traite que de la première relation, de loin la plus simple.

Droit d’auteur contre copyright

La principale caractéristique du droit d’auteur français est que l’auteur doit être rémunéré proportionnellement aux ventes de son œuvre. Ainsi, le contrat entre l’auteur d’un roman et son éditeur doit obligatoirement comporter une forme d’indexation de la rémunération de l’écrivain sur le volume des ventes. Le droit d’auteur implique également un droit moral inaliénable qui accorde en particulier 1  à l’auteur un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire, mais il est dans les faits peu utilisable 2.

Au contraire, la conception anglo-saxonne du  « copyright » considère que si un travail est réalisé contre une rémunération, alors l’œuvre en résultant appartient entièrement à celui qui a payé l’auteur. Aucune condition de rémunération n’est fixée par la loi, elle peut être fixe ou proportionnelle selon le contrat qui lie les deux parties.

La conception anglo-saxonne est plus libérale, laissant aux parties le soin de s’entendre librement, alors que la conception française considère que le rapport de force étant déséquilibré, il est du rôle de la loi de protéger le plus faible (ici, l’auteur).

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Comment définir juridiquement le jeu vidéo ?

Une définition nécessaire

Depuis qu’il existe, le jeu vidéo n’a jamais eu de définition juridique précise, ce qui n’a pas empêché son développement et sa diffusion. Pourquoi aurait-on donc besoin d’une définition juridique du jeu vidéo ? Parce que si l’on souhaite définir une politique publique dédiée au jeu vidéo, quelle qu’elle soit, il est nécessaire de pouvoir déterminer précisément les limites de son champ d’application.

Il faut cependant reconnaitre qu’elle n’est pas pour autant indispensable à toute politique publique traitant du jeu vidéo. Par exemple, la mesure fiscale française du crédit d’impôt jeu vidéo1 ne définit nulle part ce qu’est un jeu vidéo ou « une entreprise de création de jeu vidéo », puisque les projets sont agréés individuellement par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC). C’est donc au CNC de juger si le projet présenté est bien un jeu vidéo (et s’il répond également aux autres critères d’agrément).

Mais cette solution, viable vu les critères du CNC (en particulier celui du coût de développement supérieur ou égal à 150 000 €) n’est pas applicable à l’ensemble de la création de jeu vidéo. Or si l’on veut que la société puisse prendre des décisions politiques concernant le jeu vidéo, il faut une définition concrète de ce qui rentre ou non dedans. Autrement dit, et c’est pour ça que je parle de définition juridique, il faut qu’un juge puisse trancher de manière certaine sur le caractère vidéoludique ou non d’une œuvre. Il faut donc une définition juridique claire.

Quelles décisions politiques pour le jeu vidéo ? La question n’est pas l’objet de cet article, mais pour ne pas être trop théorique et illustrer quelques domaines ou une définition est nécessaire, on peut citer en vrac : la régulation des jeux vidéo en fonction du contenu et de l’âge du joueur, la fiscalité du jeu vidéo (de sa création et de sa distribution), la défense de la création de jeu vidéo, les questions de droit d’auteur et de « propriété intellectuelle » dans un jeu vidéo, les législations concernant le piratage et le partage, la revente, les limites que pourrait avoir un musée national du jeu vidéo, etc.

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Faut-il défendre le jeu vidéo français ?

Défendre le secteur du jeu vidéo ?

Si la réponse à cette question semble forcement une évidence pour tous ceux qui y travaillent, la question mérite que l’on s’y penche du point de vue de l’intérêt général.

Il semble de plus en plus largement admis qu’il faut défendre l’industrie française. Dans le cas de l’automobile par exemple, les arguments sont principalement qu’il est absurde de faire produire des voitures par des esclaves (1 – cout humain là-bas) à l’autre bout du monde, de les transporter jusqu’en France (2 – cout écologique), générant ainsi  la disparition de l’industrie française et des fermetures d’usines en France (3 – cout humain ici).

1) Dans le cas de la création de jeu vidéo, les principaux créateurs de jeux vidéo sont (aujourd’hui) dans des pays développés et disposent de conditions de travail qui, bien que loin d’être idéales, sont incomparables à celles d’ouvriers chinois et sont sensiblement les mêmes que celles des créateurs français. La qualité de vie du créateur n’est donc que peu un argument. De ce point de vue là, on n’a donc pas vraiment de raison de défendre le créateur français par rapport au créateur canadien par exemple.

2) La diffusion de jeu vidéo étant très largement dématérialisée, l’argument écologique n’est pas valable. Et même dans le cas des jeux en boite, on peut difficilement considérer le transport de DVD comme un problème écologique majeur.

3) Reste l’argument de l’emploi en France. C’est celui qui est le plus souvent invoqué par n’importe quel secteur d’activité menacé : « si on ferme, c’est X emploi en moins en France » (dans le cas du jeu vidéo en France, le Syndicat National du Jeu Vidéo1 parle de 5000 à 10 000 emplois). Cependant, on peut penser qu’à un emploi détruit en France correspond à emploi créé ailleurs et vu le 1) et le 2), la principale raison de le préférer serait par patriotisme économique. Cet argument peut prêter à débat, en fonction de ce que chacun met derrière le mot « patriotique », qui peut revêtir des sens et des visions du monde variés. Ce débat est cependant hors du sujet de cet article.

Si l’on considère le secteur du jeu vidéo comme une industrie comparable à l’industrie automobile, les arguments valables pour ces secteurs se révèlent inopérants ou au mieux discutables lorsqu’ils sont appliqués au jeu vidéo.

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