Comment définir juridiquement le jeu vidéo ?

Une définition nécessaire

Depuis qu’il existe, le jeu vidéo n’a jamais eu de définition juridique précise, ce qui n’a pas empêché son développement et sa diffusion. Pourquoi aurait-on donc besoin d’une définition juridique du jeu vidéo ? Parce que si l’on souhaite définir une politique publique dédiée au jeu vidéo, quelle qu’elle soit, il est nécessaire de pouvoir déterminer précisément les limites de son champ d’application.

Il faut cependant reconnaitre qu’elle n’est pas pour autant indispensable à toute politique publique traitant du jeu vidéo. Par exemple, la mesure fiscale française du crédit d’impôt jeu vidéo1 ne définit nulle part ce qu’est un jeu vidéo ou « une entreprise de création de jeu vidéo », puisque les projets sont agréés individuellement par le Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC). C’est donc au CNC de juger si le projet présenté est bien un jeu vidéo (et s’il répond également aux autres critères d’agrément).

Mais cette solution, viable vu les critères du CNC (en particulier celui du coût de développement supérieur ou égal à 150 000 €) n’est pas applicable à l’ensemble de la création de jeu vidéo. Or si l’on veut que la société puisse prendre des décisions politiques concernant le jeu vidéo, il faut une définition concrète de ce qui rentre ou non dedans. Autrement dit, et c’est pour ça que je parle de définition juridique, il faut qu’un juge puisse trancher de manière certaine sur le caractère vidéoludique ou non d’une œuvre. Il faut donc une définition juridique claire.

Quelles décisions politiques pour le jeu vidéo ? La question n’est pas l’objet de cet article, mais pour ne pas être trop théorique et illustrer quelques domaines ou une définition est nécessaire, on peut citer en vrac : la régulation des jeux vidéo en fonction du contenu et de l’âge du joueur, la fiscalité du jeu vidéo (de sa création et de sa distribution), la défense de la création de jeu vidéo, les questions de droit d’auteur et de « propriété intellectuelle » dans un jeu vidéo, les législations concernant le piratage et le partage, la revente, les limites que pourrait avoir un musée national du jeu vidéo, etc.

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Faut-il défendre le jeu vidéo français ?

Défendre le secteur du jeu vidéo ?

Si la réponse à cette question semble forcement une évidence pour tous ceux qui y travaillent, la question mérite que l’on s’y penche du point de vue de l’intérêt général.

Il semble de plus en plus largement admis qu’il faut défendre l’industrie française. Dans le cas de l’automobile par exemple, les arguments sont principalement qu’il est absurde de faire produire des voitures par des esclaves (1 – cout humain là-bas) à l’autre bout du monde, de les transporter jusqu’en France (2 – cout écologique), générant ainsi  la disparition de l’industrie française et des fermetures d’usines en France (3 – cout humain ici).

1) Dans le cas de la création de jeu vidéo, les principaux créateurs de jeux vidéo sont (aujourd’hui) dans des pays développés et disposent de conditions de travail qui, bien que loin d’être idéales, sont incomparables à celles d’ouvriers chinois et sont sensiblement les mêmes que celles des créateurs français. La qualité de vie du créateur n’est donc que peu un argument. De ce point de vue là, on n’a donc pas vraiment de raison de défendre le créateur français par rapport au créateur canadien par exemple.

2) La diffusion de jeu vidéo étant très largement dématérialisée, l’argument écologique n’est pas valable. Et même dans le cas des jeux en boite, on peut difficilement considérer le transport de DVD comme un problème écologique majeur.

3) Reste l’argument de l’emploi en France. C’est celui qui est le plus souvent invoqué par n’importe quel secteur d’activité menacé : « si on ferme, c’est X emploi en moins en France » (dans le cas du jeu vidéo en France, le Syndicat National du Jeu Vidéo1 parle de 5000 à 10 000 emplois). Cependant, on peut penser qu’à un emploi détruit en France correspond à emploi créé ailleurs et vu le 1) et le 2), la principale raison de le préférer serait par patriotisme économique. Cet argument peut prêter à débat, en fonction de ce que chacun met derrière le mot « patriotique », qui peut revêtir des sens et des visions du monde variés. Ce débat est cependant hors du sujet de cet article.

Si l’on considère le secteur du jeu vidéo comme une industrie comparable à l’industrie automobile, les arguments valables pour ces secteurs se révèlent inopérants ou au mieux discutables lorsqu’ils sont appliqués au jeu vidéo.

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